À pied, du Mercantour au Cotentin

Carte de la traversée

Journal de bord – Mardi 16 avril

Aujourd'hui, à l'aube encore, je me suis réveillé, tout près de Saint-Cirgues-en-Montagne, en Ardèche. Il faisait encore frais et une légère brume flottait au-dessus des champs. Les premières lueurs du jour coloriaient le ciel d'un rose très pâle. Mon sac était prêt, ne restait qu'à enfiler mes bottes à peine sèches de la veille. Le silence du matin, troublé seulement par le chant timide de quelques oiseaux, m'a fait du bien. J'étais libre, loin de tout ce qui m'accable d'habitude.

Aux alentours de 10 heures, le soleil brillait avec force et la chaleur gagnait progressivement le corps. Au gré des pas, le sentier serpentait çà et là entre les pins et les rochers, parfois à plat, parfois en forte montée. J'éprouvais mes jambes lourdes, mais chaque pas plus loin me rapprochait, ne serait-ce qu'un peu, de ce silence et cette paix intérieurs, que je cherchais au début de ce voyage. Je ne croise personne depuis des heures, je suis seule, d'abord un peu oppressée, mais cela me détend. Le monde s'est comme réduit à ce chemin, à ces pas, aux bruits du vent dans les feuilles.

A table, une dame griffonnait des notes inquiètes, puis s'interrogeait sur la motivation d'une personne qui comme elle se trouvait dans ce refuge ; une autre, qui était loin d'être sûre, commençait à faire un croquis de ce qu'elle apercevait dans un coin de la pièce voisine. Deux enfants avaient entrepris de rapporter dans leur dessin des expériences de la journée, le tout était tenu par un adolescent qui tentait de s'extirper des bruits de la conversation, une conversation qu'il avait espéré silencieuse. Cet adolescent avait le cœur de l'appartement, était le battement de vie du groupe, ses crampes de membres et sa tête scintillante en forme de bulle respirante.

En attendant, il caressait de sa main les oreilles de l'ours en peluche qui avait dorénavant la charge d'un des deux enfants. Et, par précaution des soubresauts de sa mère, sa main se posait sur sa tête, trop lourde à porter.